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COLLABORATEURS.
MM. Isambert, Renouard, Troplong, conseillers, et Hello, avocat-général à la cour de cassation; Masson, couseiller à Ja cour de Nancy; Foucher , avocat-général près la cour de Rennes; Plougoulm, avocat-général près la cour de Paris; Goupil de Préfeln, avocat-général près la cour de Caen; Gaillard, avocat-général près la cour de Poitiers ; Grenier, avocat-général à Grenoble; Guyho, substitut à Niort ; de St- Vincent, substitut à Charkeville; Molinier , substitut à Tou- louse; Bourdon, substitut à Boulogne; Vivien, conseiller d'état; Cormenin , député ; Blondeau, Bravard , Ortolan, Ou- dot, Pellt, Pereyte, Poncelet, Royer-Collrd, Valette, professeur à la Faculté de droit de Paris; Demolombe, pro- fesseur à la Faculté de Caen; Foucart, professeur à la Faculté de Poitiers; Rauter, Thieriet, professeurs à la Faculté de Strasbourg ; Giraud, professeur à la Faculté d'Aix; Delpech, professeur à la Faculté deFoulouse ; Laferrière, professeur à la Faculté de Rennes ; Carette, Cotelle, Dalloz, Parrot, avocats à la cour de cassation ; F. Wolowski, ancien avocat à la cour de cassation et conseiller d'état polonais ; H. Badin, Bayle Mouillard, Championmère,;A. Daviel, Delalleau, Ph. Dupin, Dutheil, Grün, Faustin Hélie, Hennequin, Jamet, Legras, Marie, Mermilliod, Moulin, Odilon-Barrot, Pont, Sa- case, Vatimesnil, L. Wolowski, directeur de la Revue, avo- cat à la cour royale ; Bonnier, Bressoles, Catantous, d'Hau- thuille, Rodière, docteurs en droit; Warnkœnig, professeur à la Faculté de Fribourg; Mittermaier, professeur à la Fa- culté de Heidelberg.
Les rédacteurs de la Revue recevront avec reconnaissance les disserta- tions que les jurisconsultes francais ou étrangers désireront faire insérer dans ce Recueil,
Paris , imprimerie de Cosson, ruc Saint-Germain-des-Prés, 9,
REVUE
DE LÉGISLATION
ET
DE JURISPRUDENCE
publiée
SOUS LA DIRECTION DE M. L. WOLOWSKI,,
Avocat à la Cour royale de Paris,
PAR UNE RÉUNION
DE MAGISTRATS, DE PROFESSEURS ET D'AVOCATS FRANÇAIS ET ÉTRANGERS.
TOME HUITIÈME.
AVRIL = SEPTEMBRE 1898.
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PARIS, BUREAU DE RÉDACTION, RUE DES BEAUX-ARTS , 9.
4838.
REVUE DE LÉGISLATION
ET DE JURISPRUDENCE.
DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
DANS L'ÉTAT ACTUEL DE NOTRE LÉGISLATION. (2 article ) (4).
C'est un des beaux spectacles du régime constitutionnel qu'une audience où le sentiment de la liberté religieuse , le plus altier peut-être et le moins disciplinable du cœur hu- main, se laisse dompter par la justice et vient s'offrir à son joug. Si L'Hospital , dont l’image était présente aux derniers débats de la Cour de cassation , y eût assisté lui-même , il eût été fier de sa patrie. De son temps les gens du duc de Guise eussent réfuté leurs adversaires en les massacrant , et fait du village de Sceaux ou de Cépoy un autre Vassy. Tout au plus, par un effort dans lequel se fût épuisée la tolérance de l’époque, se serait-on donné à Poissy un rendez-vous oratoire , où le cardinal de Tournon eût interrompu avec abomination Théo- dore de Bèze, où le jésuite Lainé eût jeté aux docteurs cal- vinistes les noms de singes, de renards, de monstres, et l'on se fût séparé pour courir aux armes. Aujourd’hui le premier
. (4) 7. Revue, t. VI, p. 241.
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étonnement du grand homme qui a publié le mémorable et stérile édit de 1562 , serait de ne plus voir faire une question de la liberté ni un mérite de la tolérance’; l'une et l'autre sont si bien en possessiof de la : viè sociale, 1e l'unique diMicuté est d’en régler les r rapports avec la puissance civile ,etilre- marquerait que dans cette recherche, l'inquiétude commune est qu'on ne leur demande un trop gtänd sacrifice. Ce sont elles qui disputent sur les conditions , c’est de leur côté qu'a passé toute la susceptibilité du débat; c’est la puissance ci- vile qui est sur la défensive et qui a besoin de secours. Au colloque de Pdissy ; Théodore de Bèze commença son dis- cours à genoux. Aujourd’hui la même cause se plaide de- bout , non seulément ävec la ferveur du éroyaänt, mais avec l'autorité d'une garantie constitutionnelle. On défend les in- térêts les plus chers avec une chaleur pleine de courtoisie, on échañige des témoignages d'estime, et l'on attend l'arrêt.
Le premier hommage à la grandeur de l4 discussion et à la loyauté dés sentimens que l’on ÿ apporte, c’est de l’appro- fondir. Quand on est de bonne foi, la conviction est un bien- fait, et l'évidence de la démonstration calme et console. J ‘yre- viens, pour payer ma part de ce que je regarde comme ün tribut.
Nous pouvons désormais sürtir des généralités de la ques- tion ; les progrès qu'elle vient de faire nous le permettent, et par conséquent nouë le commandent. C’est , par exemple , uné vérité reconnüe qué la croyähce a besoin du culte; c'en est üne autre qué le culte ne peut se soustraire à la police. La chose du moñde la plus vaihé serait de rechercher dans le conflit de ces deux vérités, laquelle est préférable à l'autre. Elles sont toutes deux essentielles , toutes deux divines ; elles sont Sœurs ; il faut donc qu’elles s'accordent, par la raison sans réplique qu'il n’y a pas pour nous de nécessité plus grande que celle de l’état social. Toute doctrine qui tendrait à les
9 mettre en hostilité réciproque serait fausse en religion , faussq en morale , fausse en droit public. Les bons citoyens devraient la repousser et la maudire comme un fléau. Si nous avions le malheur de ne pas nous entendre B-dessus , nous ne nous entendrions jamais.
Autre base à poser entre nous : aucun culte n’est libre ni ng peut l'être de la manière qu'il l'entend. Cela est incontesta- blement vraï des dogmes exclusifs ; cela l’est encore de ceux qui , sans éfre exclusifs, heurteraient les lois du pays. Si le mahométisme s’établissait parmi nous, il faudrait avant tout qu'il renonçât à la polygamie. Ainsi le régulateur de liberté d’un enlte n'étant pas dans la discipline particulière qu'il s’est faite, il ne peut jamais s'en prévaloir contre la pe- lice , et on li apphquerait avec justesse ce que J'on a dit de cette fausse hypothèse d'ure bberté primitive, laquelle na prendrait sa placé dans l'état social qu’en retranchant d’elle- même ce qui ne pourrait y entrer. Le tort de k lei (car elle peut s'en donner, et nous allons bientôt le recosatire plus formellement), le tort de la ki: n’est dont pas de demander un sacrifice quelconque à la liberté, et k religion qu ne 10 plaint pas d'autre chose , ne concht rien.
Mais s’i y a FE sur la mesure dn sacrifice PET à qui appartiéndra-t-N de juger le différend? loi sage générations de magistrats se leveraient dE si souveram.
Et si le souvermn, qui … PE dans ka Charte % dans la loi, dit autre chose dans l'une, autre chase dans Fans tre, s'ilretient par la seconde ce qu'il promet para premières, laquelle de ses deux paroles prévaudra ? Cette question est grosse de tons les problèmes, je dirais presque de toutes es tempêtes du régime constitutionnel; si elle était inévitable,
nous 1rions droit à elle, et aous.ne la quitterions que résolues
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Mais s *occupèr d'une difficulté oiseuse, c'est affronter un dan- ger inutile, et, dans ces graves matières où l'erreur étant contagieuse , on ne s'y expose jamais seul, la témérité est moins permise que partout ailleurs. Or, nous n'avons, fort heureusement, pas à opter entre la Charte et la loi. A ce point, nous l’avouons, cessent les concessions et commen- _cent les difficultés. Mais nous ne saurions recommencer avec _élles les démonstrations déjà faites. La charte a posé les prin- cipes généraux de la liberté de conscience et de la protection des cultes, laissant à la loi le soin de les organiser.Si l’on per- siste à soutenir que les précautions de la loi neutralisent les promesses de la Charte, c’est par une déplorable confusion d'idées , dont le moindre inconvénient est de renverser la si- gnification des mots. Non, professer une religion n'a jamais _ signifié célébrer un culte (1); on détorque ces mots de leur sens véritable, quand on y voit autre chose que l'expression de la croyance religieuse , et, malgré l’anathème lancé devant la cour d'Orléans contre une réclamation grammaticale, que l’on a comparée à la fameuse logomachie de 1844 sur les mots réprimer et prévenir, il n’en est pas moins vrai que l’on n'é- tend la liberté de conscience à la célébration du culte que par une violence manifestement faite à la langue. Ce que la Charte à dit en bon français, elle a eu la volonté de le dire, elle a | éprouvé le besoin de le dire, et ce besoin a sa source dans une vérité historique qu’apparemment on n’espère pas détruire en la miant. Qu'importe à la question constitutionnelle que le droit de penser et de croire nous vienne de Dieu? Son origine a-t-elle empêché qu’on nèle persécutât ? Quelle est la partie de
(14) Professér, avouer publiquement, reconnaître hautemen) quelque chose. Ce mot reçoit diverses significations, selon les différentes choses âvéc lesquelles il se joint. Ainsi l’on dit professer une religion, pour dire être d’une religion.…., etc, Dictionnaire de l'Académie.
9 notre droit public, à commencer pär la liberté individuelle, quin’ait été méconnue et qui n'ait eu besoin d’être abritée dans un texte ? Et parce que la Charte en a été, non l'origine, mais seulement la déclaration, est-ce à dire que cette déclaration ait été inutile, et qu’il faille y chercher autre chose que ce que l'on a voulu y mettre?
Maintenant que nous avons mis en dehors de la discussion les principes reconnus , expliquons-nous sur notre thèse ; la voici, qu'on le sache bien, telle que nous entendons la sou- tenir - la loi, qui est chargée de régler l'application du prin- cipe constitutionnel et qui a le droit de demander un sacrifice quelconque à la liberté, n’est pas obligée de s'arrêter devant les retranchemens indispensables, que l'égalité civile fait su- bir aux cultes divers. Rien de moins, rien de plus. Nous nous empressons de reconnaître qu’il serait possible que la loi, en s’acquittant du soin d'organiser, excédât les besoins légitimes de la police, et resserrât, au point de l’étouffer, la liberté qui lui a été confiée. Là serait le mal; là est le véritable champ de la discussion. La loi a-t-elle méconnu ces limites ? C'est l'u- nique examen qui reste à faire.
Deux systèmes sont en présence : dans l’un, le culte quel - conque qui veut ouvrir un temple, n’est astreint qu'à la sim- ple formalité d’une déclaration à l'autorité civile ; après quoi il s'exerce où et comme il veut; c'est la liberté à peu près sans limites. Dans l’autre, le culte doit obtenir la permission de l’au- torité civile; les lieux de son exercice lui sont indiqués, il con- serve avec l’autorité de nombreux rapports que la loi règle. La hberté souffre alors de notables restrictions. Les deux systèmes diffèrent par les points que nous venons d’indiquer : ils ont de commun le droit de surveillance. Le premier a été adopté par la loi du 7 vendéniaire an 4; le second par le concordat de l'an 10 et le code pénal. , C'est entre eux qu'est le débat,
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Mais le droit de surveillance, lui-même, qui est commun aux systèmes rivaux, comment l'entendre ? Cette question n'ést pas si simple qu'on paraît le supposer ; elle se compli- que, dès qu'on l'étudie; car elle tient à la manière même d'entendre la tolérance.
Qu'on ne s’imagine pas avoir tout fait quand on a proclamé la tolérance religieuse ; une difficulté sériense reste encore à résoudre. Ea tolérance peut n'être que philosophique, se faire un scrupule de gêner, dans une religion quelconque, le mode arbitraire d'exercer un droit naturel, et à ce titre les admet- tre indistinctement toutes, mais en les abandonnant chacune à elle-méme. C’est l'indifférence proprementdite ; sa séparation d'avec les cultes est absolue ; elle leur reste étrangère, les tient à distance et les surveille de loin. La tolérance peut aussi, sans cesser d'être philosophique, devenir politique. Une re- ligion est alors à ses yeux un élément social, elle fait accep- tion de celles qui sont établies, s'intéresse à elles comme à des auxiliaires, et se les associe dans le grand œuvre de la civilisation humaine. 1! y a toujours séparation, mais har- momie ; surveillance, mais protection.
Däns les premières années de la république, c'était la phi- losophie du 18° siècle qui inspirait encore nos législateurs, non la philosophie trop décriée de ses grands hommes , maïs la philosophie corrompue qu'ils ont souvent désavouée dans léurs disciples. Rousseau, dont je n’entends point juger ici les doctrines, avait cependant mêlé à ses erreurs une vérité qui lui était commune avec Montesquieu , mais qui s'était mainte- nue pure chez celui-ci, c’était la nécessité politique de la ré- ligion , et les enthousiastes qui portaient en pompe le contrat social dans les solennités de 93, n'avaient aperçu que ce qu'il rejetait dans son dernier chapitre, non ce qu'il y recomman- dait. Le motif même de l'apothéose était une extrême infidélité
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à la parole du maître. La disposition d'esprit où cette philo sophie dégénéré conduit le législateur, est un phénomène à étudier dans l'histoire du droit : alors le caractère social delà religion lui échappe, parqu’une certaine tendance à placer le . gouvernement tout entier dans la loi civile, lui masque le côté moral de l’homme; il abandonne l'observation des faits, $e retire profondément dans son sanctuaire, avec l'opinion que l'action législative se suflit à elle-même et s’habitue à compter sur la toute puissance de ses combinaisons. La religion des- cend dans sa pensée à un rang inférieur et éloigné ; il pour- rait s’en passer , et, s’il sen occupe, c’est qu'elle constitue ; non un besoin général, mais un droit individuel. Aussi voyez comme en parle Ja constitution de l'an 3, à laquelle nous sommes d'ailleurs si redevables : Mul ne peut étre empéchë d'exercer, en se conformant aux lois, le culte qu'il a choisi. Nul ne peut être forcé de contribuer aux dépenses d'aucun culte. La république n’en salarie aucun. Voilà tout. C’est l’ex- pression la plus complète de l'indifférence ; c'est la liberté ab- solue du divorce. Dans trois formules brèves, sèches , néga- tives, le pouvoir constituant déclare qu’il ne peut rien contré Ja religion, ni rien pour elle. Chacune de ces paroles est un lien qu’il rompt, un rapport qu'il supprime. |
La loi du 7 vendémiaire an 4 annonce elle-même dans son préambüle qu'elle vient tirer les conséquences nécessaires dè ce principe constitutionnel ; ainsi, ce que le rapprochement historique eût suffi pour nous apprendre , le texte de la loi prend le soin de nous en avertir : la simple obligation de dé- clarer à l'autorité municipale le lieu où l’on entend exercer le culte que l’on a choisi, dégagée de toute autre condition, est une conséquence nécessaire de l'indifférence systématique. Toute l’économie de la loi est conséquente à cet esprit : nt choisit son culte, on le crée même, et, pour être réputé culte,
12 il suffit qu'il se prétende tel (art. 25). Non seulement on le choisit, mais on choisit aussi le lieu où l’on entend l'exercer;
on n'attend pas que l'autorité l'indique; on le lui indique à elle-même (art. 27). Avant d'être ministre d'un culte, on ne doit à l'état qu'une garantie purement civique ( préambule de Ja loi); en exigeant une garantie morale, on eût craint de s'immiscer dans une chose étrangère , et la garantie civique consiste uniquement à souscrire la déclaration suivante : je reconnais que l’universalité des citoyens français est le souve- rain, et je promets soumission et obéissance aux lois de la ré- publique (art. 6); déclaration bien moins remarquable pour ce qu'elle contient que pour ce qu’elle ne contient pas, comme celle de l'an 40 l’est pour ce qu’elle contient de trop. | .
. Vers le commencement du 49° siècle , il se fit dans la philo- sophie générale une réaction , dont la science législative reçut aussitôt le contre-coup. On reconnut que la nature de l'homme étant double , il n’était pas possible de faire du gouvernement une chose simple; que si la séparation des deux puissances qui le dirigent était nécessaire dans l'intérêt même de la to- Jérance, l'union des deux principes qui le composent n’en était pas moins indissoluble ; que le législateur qui n'aperce- vait que les actions extérieures dans le monde et qui affectait d'ignorer ce qui les précède et les prépare dans la conscience, ne remplissait que la moitié de sa tâche, et se privait de la moitié de sa force ; qu'enfin en isolant à ce point l'élément religieux, il n’isolait en réalité que lui-même.Dès-lors l'homme moral reprit sa place dans les méditations du législateur. Le mot de Bacon se vérifia : un peu de philosophie avait éloigné de la religion, beaucoup de philosophie y ramena. Le législateur vit dans les réunions d'un culte autre chose qu'un rassemblement d'individus ; il s'inquiéta des enseignemens qui
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s'y donnaient, et le problème fut pour lui de discérner ce dont il devait s'abstenir de ce qu’il devait connaître. Tel fut l'esprit de la législation de l’an 10; j'en atteste son éloquent inter- prète : « L'autorisation d’un culte, disait Portalis, suppose » nécessairement l'examen des conditions suivant lesquelles » ceux qui le professent se lient à la société, et suivant les- » quelles la société promet de l’autoriser. La tranquillité pu- » blique n’est point assurée , si l’on néglige de savoir ce que » sont les ministres de ce culte , ce qui les caractérise , ce qui » les distingue des simples citoyens et des ministres des au- » tres cultes, si l'on ignore sous quelle discipline ils enten- » dent vivre et quels réglemens ils promettent d'observer. » L'État est menacé, si ces réglemens peuvent être faits ou » Changés sans son concours, s'ils demeurent étrangers ou in- » différens à la forme et à la constitution du gouvernement qui » se propose de régir les âmes, et s’il n’a dans des supérieurs » légalement connus et avoués , des garans de la fidélité des » inférieurs. »
Du moment où la religion fut aux yeux du législateur, non une abstraction philosophique , mais un fait social , il dut surtout donner son attention aux établissemens déjà formés ; la conséquence était irrésistible ; aussi la charte , qui, après la déviation passagère de 1814, est revenue aux principes de l'an 10, comme à l’état définitif de notre droit public, ne s’est-elle pas contentée d'énoncer dans son article 5 l'idée générale de la liberté de conscience et de la protection’ des cultes ; dans son article 6, elle s’empresse de reconnaître le christianisme, avec les différens cultes nés dans son sein ; eHe en‘proclame l'existence, et déclare qu'ils sont salariés par Y'État. On voit déjà naître, entre les cultes reconnus et ceux qui ne le sont pas, cette distinction que la raison enseigne,
que la charte présuppose , avant même que le code pénal
14 l'ait exprimée ( art. 260 et 386 ). Mais que l'on y prenne ga rde : cette distinction n'implique aucun privilége au profit de ceux qui sont reconnus. L'égalité ne se conçoit qu'entre les choses qui existent, et la charte n’a pu établir des rap- ports entre elles et celles qui n'existent pas. Lorsque celles-ci arriveront, si elles arrivent, il est bien entendu qu'elles ne seront pas dispensées des épreuves qu'ontsubies lespremières, ni des conditions qu’elles ont acceptées ; l'égalité même l'exi- gera. En attendant, la charte a dû enregistrer un fait dont il était impossible que la statistique constitutionnelle ne tint ‘pas compte, et avec lequel se coordonnent les nombreuses dispositions du concordat , des articles organiques et du code pénal sur la nomination des ministres, et la discipline des cultes ; toutes celles en un mot qui régissent leurs rapports avec le gouvernement, et entre lesquelles il faut remarquer autorisation de la puissance civile , avec indication deslieux où ils doivent s'exercer : condition qui a excité tant d’amer- tume, et contre laquelle on s’est emporté avec la même in- _dignation que si elle eût trompé la foi publique. C’est elle “surtout que nous allons apprécier.
Comme il y a plusieurs manières de tolérer, il y a plusieurs modes de surveiller. Le mode qu’on réclame est celui de la loi de vendémiaire an 4; loi tutélaire, nous dit-on, loi li-
_bérale, qui répond au vœu de la charte avec le plus d’intel- digence et de bonne foi. Cette alliance monstrueuse de la loi de l’an 4 avec la charte . tient à des raisons, ou plutôt à des sentimens d’une nature ‘si respectable et si élevée, que j'ose à peine leur répondre par des argumens.du droit écrit. Mais cependant le moyen de ne pas dire que la loi de l’an 4 est abrogée de toutes les . manières dont une loi peut l'être? sans parler encore de cette physionomie étrasgère qu’elle apporte dans notre monarchie
15 constitutionnelle, comment se tiendrait-elle debout près de ces textes plus récens, qui la heurtent dans chacun de ses dé- tails d'organisation? ainsi , la facilité à reconnaître les mi- nistres des cultes qui ne reçoivent leur mission que d’eux- mêmes, sous la seule condition du serment à iitre de garan- tie civique , est inconciliable avec Îles dispositions des articles organiques sur la nomination des évêques par le roi, sur leur institution par le pape, sur l'élection des pasteurs dans les églises réformées. Ainsi, le salaire qu'elle refuse aux minis- tres chrétiens, la charte le leur assure. Ainsi, les mesures qu’elle défend de prendre en nom collectif pour le choix d'un édifice ou pour le logement des ministres, la législation de l'an 40 les recommande aux départemens et aux communes. Ainsi, les cérémonies qu’elle interdit absolument hors des édifices choisis, la même lépislation ne les défend extérieu- rement que dans les lieux où sont établis d'autres cultes. Ainsi encore le code pénal prévoit les mêmes délits qu'elle contre le libre exercice des cultes , et c’est toujours pour ap- porter des changemens au caractère , à la qualification, à da peine de ces délits. Il est particulièrement remarquable qu'elle défend, tout aussi bien que l'art. 291 du code , ‘les associations religieuses qui se forment hors des édifices des tinés aux cultes, avec cette différence que le code ne fait un délit de l'association que quand elle se compose de plus de 20 personnes , tandis que l’art. 46 de la loi de l'an 4 s’ir rête au nombre de dix ; et il arrive que, par une conséquence inexphcable, on préfère la loi la plus étroite à la plus libé- rale. De telle manière que, si nous n'avions à envisager la question que sous le point de-vue du magistrat , il nous suffi “rait de Fart. 484 du code pénal pour conclure que ,'la‘lôi de ‘Fan 4 et le code régissant les mêmes matières , c'est sans contredit à a loi ancienne à se retirer devant la nouvelle,
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Mais, nous le répétons : ce n’est pas d'argumens de cette espèce que l’on doit user avec le sentiment de la liberté, quand il se plaint d'une blessure. En prenant la loi comme un fait, on ne justifie que la jurisprudence , tandis que c’est la loi même qui est attaquée. Pour calmer les douleurs sin- cères qui viennent de se faire entendre, il ne suflit pas que le magistrat soit irréprochable ; il faut encore que le publi- ciste ait raison. Ne jugeons plus selon la loi, j'y consens; jugeons la loi même.
Il semble en vérité, à l’aisance avec laquelle on prend dans une loi le mode de surveillance qu’il convient d'y prendre, que ce soit une chose arbitraire , de pure fantaisie, qui se Jaisse placer et déplacer, comme une scène de pièce à tiroir. C'est cependant la partie inséparable d’un système , que l'on n’en détache pas sans déchirement, que l'on n’adapte pas ailleurs sans disparate ; et lorsqu'on réclame, au nom de la Charte de 1830, le mode de surveillance établi par la loi de l'an 1v, il faut au moins connaître et la portée de sa demande et dans quelle entreprise on engagerait le pouvoir!
Tous les genres de tolérance, avons-nous dit, ne sur- veillent pas les cultes dans le même intérêt. La tolérance in- différente et sceptique surveille l’ordre matériel ; latolérance amie et protectrice surveille de plus l'ordre moral. A la pre- mière appartient, sans aucun doute, la loi de vendémiaire an 1Y; car elle nous déclare que sa surveillance est renfermée dans des mesures de police et de sûreté publique. Pour elle, la perfection sociale est dans l'absence ou la punition des délits, et le plus effroyable attentat, qui n'a pas sa qualifica- tion dans le Code, la touche moins qu’un embarras sur la voie publique. Quant à la tolérance qu’anime le sentiment religieux, et qui fait avec tous les cultes une connaissance intime , non pour enseigner en commun la vérité divine, mais
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pour accomplir de concert la tâche de la société humaine , on sent qu’elle a besoin de savoir autre chose que ce qui se voit par les yeux d'un commissaire , ou se constate par un procès- verbal. Sa surveillance a plus d’étendue , parce qu'elle a plus de sollicitude, et, pour qu’elle soit efficace, il faut lui accorder d'autres moyens. Que si on lui refuse le droit d'autoriser, en d’autres termes , le droit de permettre ou de défendre, s’est-on bien rendu compte de sa surveillance ainsi réduite au système de l'an 4?
Et d’abord, il faut lui enlever les actes invisibles des cultes, surtout de ceux qui admettent la confession'sacramentelle. De la part du gouvernement qui a autorisé en connaissance de cause, on conçoit la confiance ; on ne la conçoit plus de la part de celui à qui il sufit qu'une religion dise : me voici, pour avoir le droit de se mettre immédiatement à l’œuvre. C’est exiger de la puissance civile, dont le devoir est de veiller sans cesse, qu’elle s’endorme sur un terrain miné.
Dans les actes ostensibles d’un culte, compterons-nous sé- rieusement ceux qui sont punis à titre de délits et de crimes? La soumission aux lois de police et de sûreté est-elle une stipulation à faire ? Le droit commun n’y a-t-il pas pourvu, et l’article 3 du Code civil ne nous dispense-t-il pas de tous les concordats et de tous les réglemens organiques ? Le simple citoyen, qui n’enfreint aucune loi, remplit ses devoirs rigou- reux. Le compte de ceux qu'il néglige ne se règle pas devant les tribunaux, et, à le considérer dans sa vie individuelle, on peut soutenir qu'il est plutôt le créancier de la société que son débiteur; c’est au moins l'opinion qu'il est naturel de Concevoir, quand on étudie sa condition dans les états mo- dernes. Maïs aussitôt qu'il sort de sa vie individuelle pour exercer une action sur l’esprit des autres, les rapports chan- gent, et de créancier il se pourrait bien qu'il devint débiteur.
VIII. 2
18 La liberté la plus ombrageuse ne murmure pas des garanties demandées à à qui se présente pour nous enseigner les sciences humaines, et l'apostolat le plus redoutable pourrait agir sans s ‘obliger enen que le plus inerte des individus ! Où est le culte qui conseptirait à ce qu' on ne vit dans sa mission qu'un jeu, dont le but serait de louvayer entre les écueils des lois pé- hales, avec assez d'adresse pour ne tomber; jamais sous la main du geôlier ou du bourreau: ? Retranchons donc la surveillance de la police ; c’est presqu'une injure de là mettre en ligne de compte .
Reste de la partie ostensible! des cultes ce qui touche Je dogme etla morale. Ici, pour qu'on n'enlève pas tout à la vé- ritable surveillance des cultes , et qu'on tignne à lui donner quelqu'efficacité, qu'on nous dise comment il est possible, sans la désarmer tout-à-fait, de lui refuser le droit d'autoriser à c'est-à-djre de permettre et de défendre!. Supposez que là morale du culte soit subversive ; si le caractère du délit man- que à la répression judiciaire , si la faculté d'empêcher man- que à l’action administrative, le droit de surveillance est-il autre chose que le droit de regarder ? Nous arrivons donc ir- résistiblement à cette conclusion , que dans le seul cas où la surveillance des cultes proprement dite soit possible, réelle, et appropriée à à leur nature, le droit d'autoriser est pne sanction indispensable , et à pour lui cette nécessité socjale qui est une des sources de Ja justice.
Quesi l'on persiste àtrouyer une incompatibilité irrémédiable entre Ja liberté des cultes et le droit d’autorisation, je supplie, sans revenir sur Ce que j ai dit de la liberté bien entendue , qu'on s'arrête à la réflexion suivante : Nous avons défendu d' abord a Ar SDRAENte, et, après elle, la loi. La loi est main- tenant justifiée; cenet plus sur elle Je tombe le reproche; 1 s'adresse plus haut, et monte jusqu’à la Charte, Car si la loi
19 secondaire est coupable, ce n'est plus de violer la loi fonda- mentale, c’est d’être en harmonie avec elle. La loi fondamen- tale s'estincorporé le régime de l'an 10, sa pensée philoso- phique, son organisation législative , de manière que si on lui substitue Le régime de l’an 4, ce n'est plus, comme on se l'i- magine , un simple détail d'exécution que l'on change ; c’est tout un système que l’on détruit ; il faut non seulement abolir l'article 294 du code pénal qui est une dépendance de la Charte, et les articles 5 et 6 de la Charte, dont cependant on invoque l'appui; mais encore, afin d'être conséquent avec soi- même et de rétablir tous les cultes sur le pied d’une égalité parfaite, il faut laisser tomber sur chacun d’eux la froide pro- tection de l'indifférence , effacer la distinction des cultes re- conpus et de ceux qui ne lesont pas, c’est à-dire, abolir le con- cordat qui n’est pas seulement une loi du pays, mais une con- vention avec ung puissance étrangère. Voilà tout ce que traîne à sa suite la surveillance de l’an 4, importée dans le régime de l'an 40. On peut voir à quel point la question a changé. La diffi- culté qui lui a donné naissance, poursuivie à travers toutes les bypothèses, nous a fait monter du pouvoir judiciaire au pou- voir législatif , du pouvoir législatif au pouvoir constituant , et maintenant il ne tiendrait pas à elle, si nous avions certaine fougue logique habitnéa à percer violemment tous les mi- lieux qu’elle rencontre , que nous ne fussions emportés plus haut, aux sources éternelles dont le droit découle. On aurait à pénétrer dans leurs plus profonds mystères l’action et la réaction de la loi religieuse et de la loi civile } mais on tou- cherait à ne limite consacrée par Montesquieu , on relirait le 24° live de l'Esprit des lois, et la plume tomberait des
Redescendans à la région plus humble du droit écrit. I! est
remarquable que le protestantisme , qui s’indigne de l'autori-
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sation préalable, ajoute cependant’, par sa discipline particu< lière , à la nécessité de cette condition et par conséquent à sa légitimité. En général, quand un culte est reconnu , l'unité de son enseignement répond de l'unité de sa doctrine ; mais en voici un qui revendique, comme dérivant de sa constitution , le droit de faire un apôtre de chacun de ses sectateurs. Les schismes peuvent se multiplier et l'identité du culte se perdre sous l’égide de l’autorisation une fois obtenue; partout où, hors des édifices indiqués par le pouvoir , surgit un prédicateur inconnu, se reproduit en même temps le risque d’un nouveau culte et la nécessité d’un nouvel examen. C’est un exemple des sacrifices que les disciplines particulières doivent à la police commune. Ajouterai-je un mot dans l'intérêt du protestan- tisme? Je professe la plus haute estime pour les choses et les personnes pleines de son esprit ; il a sa grande part dans la civilisation moderne. Mais ne craint-il pas de se calomnier lui- même? Tous ceux qui interpelleront sonrefus de soumettre sa morale à la puissance civile , ne se tiendront pas , comme nous, dans un point de vue purement social, et il] en est qui admettront dans leur examen plus d’une préoccupation rivale ou ennemie. L’empereur Julien suspectait les motifs de la con- version de Constantin , et n’y voyait qu'une préférence inté- ressée donnée par un grand coupable à la religion qui pro- mettait d'effacer toutes les fautes , sur celle qui reconnaissait des crimes inexpiables. |
C'est un curieux sujet d'observation que les tendances con- traires des cultes sous le régime constitutionnel. Ils reprochent à la tolérance et ce qu’elle accorde et ce quelle refuse; l'un se plaint d'être déchu, l’autre de n'être pas assez relevé. Ils croient voir pratiquer la tolérance dans les deux sens les plus opposés; tantôt une longue invective contre la raison humaine, que l'on a pu prendre pour le manifeste de l'un d'eux , à dé-
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noncé l'indifférence en matière de religion ; tantôt les plus simples mesures, qui s'expliquent même par l'intérêt que l’on porte à son existence, a excité les murmures de l’autre ; car la bienveillance a ses charges dans les affaires publiques comme dans le commerce de la vie privée , elle impose des entraves , et il n’est pas jusqu'à ses précautions les plus pater- nelles qui ne soient en diminution de la liberté. Pendant que celui-là signale l'indifférence comme une dépravation, celui- cila réclame comme un bienfait. Tous deux, si nous en croyons quelques uns de leurs adeptes , étoufferaient à l'étroit dans l'en- ceinte de la Charte. Mais dans ces plaintes contradictoires, y . aurait-il autre chose, d'une part, que le regret mal déguisé d’une domination perdue, et de l’autre, que l'ambition mal con- tenue d'une indépendance impossible ?
| HELLO,
. Avocat-général à la cour de Cassation.
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ACADÉMIE DES SCIENCES MORALES ET POLITIQUES (4).
COLLECTION DES LOIS CIVILES ET CRIMINELLES DES ÉTATS MODERNES.
Traduites et publiées sous la direction de M. Vicror FoUCHER, avocat-général à Rennes (2).
RAPPORT lu 4 l’Académie des sciences morales et D de , le A4 wvrsl 1838,
Par M. DuPrIN, président de la chambre des députés, vice- président de l’Académie des sciences morales et politi-
ques. Au point où la société humaine , sous les divers gouverne-
(4) M. Dupin, après avoir porté la parole le matin devant la Cour de Cassation dans une question élevée à l’occasion de l'exercice du droit de sépulture privée, s’est rendu à l’Académie des Sciences morales et politi- ques, où il devait faire un rapport sur la Collection des lois civiles et criminelles des états modernes, publiée par M. Victor Foucher, avocat- général à Rennes. . M. Dupin, apercevant au milieu de l’assemblée lord Brougham, qui est membre associé de l’Académie, leur dit avant que de commencer sa lec- ture : « Quand j'ai conçu le projet de vous rendre compte de ce travail, » je ne m'attendais pas à voir au nombre de mes auditeurs le savant étran- » ger que nous avons associé à notre Académie. Je me félicite, messieurs, » de traiter une telle manière devant un personnage qui, comme avocat, » dans la défense des accusés; comme orateur parlementaire, dans la dis- » cussion des lois, comme chancelier dans administration de la justice, » a montré une si grande intelligence des principes généraux de la légis- » lation, et qui a emprunté au sentiment profond d’une philanthropie » éclairée un des principaux ressorts de son éloquence. »
(2) Cette collection se compose aujourd’hui de six volumes et com-
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mens qui la régissent, est parvenñie atifotitd'hui, ati Milléti du mouvement 6ommün qui porte les tiations les unes vers les an- tres "qui les conduit à s’étudiet ; à profiter mütaéllemient de leur expérience diverse, la science du droïtne peut restef can- tonnée isolément entre les frontières dë chaqüe étit. Of peut dire que désorinais l'étude des législations comparées ést ap pelée à former un élémerit essentiel de cette scienté, et Eee des plus fnportars.
Cette éthde agtandit ét Élève la pensée légiduie, à elle là fait sortir dé la sphère circonscrite du dtoit privé et local, elle apprend à généraliser; tandis que, dans les détails, elle montre les lacunes , les défectuosités , et prépare les réformes. _ Enfin, énvisagée au fioint de vue pratique , au milieu des relations multipliées que le commerce , les voyages. les échan- ges réciproques établissént entre les divers nationaux , cette étude devient chaque jou phis nécessaire pour régler les convetitions et les intéréts qui naissent de ce contact.
C'est donc une entreprise utile à la fois et au progrès de la science et aux intéréts de la vie quotidienne , que la publi cation d’une Collection des Lois civiles et criminelles des États modernes, traduites dans Ja langue la plus répandue comme fa plus pure, dans la langue diplomatique par excellence , dans notre langue française.
Mener À fin ane pareille collection, cé sera apporter à l’his- torien, au jurisconsulte généralisateur les élémens d'étude et de comparaison que son génie doit fécônder; ce sera foürhir à l'avocat chârgé de défendre dés intérêts positifs, , dañs des
prend Îles éodes criminels dé Brésil , d'Atitriche et des Déut-Siciles , le code civil d’Autriche, le code de procédure de Genèveét le code de com merce d'Espagne. — Prix : 39 fr. Chez Joubert, libraire éditeur, rue des Grès, 44. — Les prochaines livraisons éontiendront le code de coiniñièrce de Portugal, le code civil de la Hollande, etc., etc. is
24 relations inter-nationales , les textes qu’il a besoin d'invoquer, Enfin nulle controverse ne peut s'élever, sur le mérite de ces documens ; car il ne s’agit pas de théories, de systèmes indi- viduels : ce sont des lois, des monumens acquis à l'histoire comme à la science du droit.
Une telle publication est donc véritablement digne des en- couragemens de l’Académie des sciences morales et politiques. Elle a été conçue et heureusement commencée dans son exé- cution , par M. Victor Foucher, avocat-général à Rennes.
Toutefois, pour qu’elle fût appelée à prendre réellement un rang scientifique , pour qu'elle devint un instrument d'’in- struction et non d'erreur , il fallait que ce ne fût pas simple- ment une œuvre de traduction, il fallait que l’auteur s’initiât non seulement à la langue usuelle des divers états dont il se proposait